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Accord Mercosur : le vin français entre le marteau et l’enclume
Sous la pression de Lula à Paris, l’accord UE–Mercosur se rapproche : quel avenir pour le vin français ?

ÉDITORIAL
La récente visite à Paris du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, début juin 2025, a relancé avec éclat les tractations autour de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Reçu à l’Élysée, Lula a exhorté Emmanuel Macron à conclure un accord qui traîne depuis plus de vingt ans dans les arcanes diplomatiques. Pourtant, en France, le sujet divise profondément : symbole d’un mondialisme incontrôlé pour certains, opportunité stratégique pour d’autres. Dans ce tumulte, la filière vinicole française adopte une posture plus nuancée — entre prudence et pragmatisme.
L’accord, entre ouverture prometteuse et risques maîtrisés
Pour les exportateurs, en particulier les grandes maisons regroupées au sein de la FEVS, l’accord représente une brèche précieuse dans des marchés longtemps verrouillés. Le bloc Mercosur, avec ses 270 millions d’habitants et une classe moyenne en pleine structuration, constitue une zone à fort potentiel pour les vins français — notamment au Brésil, où la consommation monte en gamme.
La suppression progressive des droits de douane (jusqu’à 27 % sur les vins tranquilles, 35 % sur les effervescents) est perçue comme un levier concret. Elle s’ajoute à une avancée majeure : la reconnaissance des indications géographiques (IG), obtenue sous l’impulsion du CNIV. Champagne, Chablis, Saint-Émilion : les appellations seront protégées contre l’usurpation, un enjeu crucial pour la lisibilité à l’export.
Mais une solidarité agricole impossible à ignorer
Pour autant, la filière viticole ne peut ignorer l’onde de choc que cet accord provoque dans le reste du monde agricole. La FNSEA, la Confédération Paysanne et une majorité d’acteurs dénoncent une distorsion de concurrence inacceptable : produits sud-américains ne respectant pas les “clauses miroirs”, normes environnementales européennes sans équivalent au Brésil ou en Argentine, ou encore risques de dumping sur les viandes et les grandes cultures.
Un soutien trop visible au Mercosur placerait les vignerons en porte-à-faux vis-à-vis de leurs homologues éleveurs et céréaliers. Le vin, fleuron français, ne peut apparaître comme le seul gagnant d’un accord controversé sans compromettre son image d’ancrage territorial et de responsabilité collective.
Une équation stratégique à résoudre
Le dilemme est réel. Faut-il avancer et capter des parts de marché alors que les concurrents espagnols, italiens ou portugais se préparent, ou temporiser pour préserver l’unité de la profession agricole ? Le gouvernement français lui-même, opposé en l’état à la ratification du texte, semble marcher sur une ligne de crête. Mais les négociations reprennent, et les signaux envoyés par Lula sont clairs : le Mercosur veut conclure, rapidement.
Dans ce contexte, la filière vitivinicole française doit affiner son positionnement, anticiper les scénarios, préparer ses argumentaires et cibler ses débouchés stratégiques. Ne pas subir. Car si l’accord se signe — que ce soit fin 2025 ou en 2026 — ceux qui auront structuré leur approche dès maintenant bénéficieront d’un coup d’avance.
Encadré pratique – Se préparer concrètement à l’accord UE–Mercosur
1 – Analysez les potentiels différenciés au sein du Mercosur Chaque pays de la zone présente un profil distinct. L’Uruguay, stable et à taille humaine, peut servir de laboratoire d’approche ou de relais logistique. L’Argentine, forte d’une culture vinicole locale, exige une sélection fine des circuits et des positionnements. Mais c’est au Brésil que l’on observe, depuis quelques années, la structuration la plus rapide du marché, une demande urbaine en expansion et une acculturation croissante aux vins européens. À chacun d’identifier son point d’entrée stratégique — en s’appuyant sur des données solides et non sur des intuitions.
2 – Ciblez des importateurs implantés localement La signature de l’accord déclenchera un afflux d’offres. Anticipez en cartographiant les opérateurs spécialisés, crédibles et alignés avec votre positionnement — notamment au Brésil. Salons professionnels, retours d’expérience ou réseaux directs sont autant de leviers pour identifier les bons interlocuteurs et sécuriser votre distribution en amont.
3 – Interrogez-vous sur les leviers d’adaptation possibles Certains de vos voisins européens ont su consolider leur présence dans la zone Mercosur grâce à des ajustements ciblés : formats plus lisibles, récit culturel affiné, logistique rationalisée… Ces approches ne sont pas des modèles à copier, mais des pistes d’inspiration pour repenser votre offre à l’export. Quelles adaptations — sans dénaturer votre identité — pourraient renforcer votre lisibilité auprès des consommateurs locaux ?
4 – Clarifiez votre proposition de valeur L’origine France ne suffit plus. Qu’est-ce qui rend votre cuvée unique dans un marché où les Malbecs argentins et les Carménères chiliens sont déjà bien implantés ? Un cépage rare ? Une histoire familiale ? Un engagement environnemental ? Formulez votre singularité de façon lisible pour des partenaires qui auront peu de temps à vous accorder.
5 – Transformez un marché fermé en relais de croissance Ce que l’accord change concrètement, ce sont les modalités d’accès : moins de barrières sanitaires et administratives, circuits plus directs, visibilité renforcée. Ce sont autant d’obstacles levés qui permettent à des structures moyennes — voire petites — de viser des marchés qui leur semblaient autrefois inaccessibles.
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🧭 Pour aller plus loin :
🔗 Ce que l’accord Mercosur change concrètement pour les vignerons français
Un décryptage technique des mécanismes douaniers, IG et échéances du texte.
🔗 Exporter vers le Brésil en 2025 : un marché complexe mais stratégique pour les vins français
Procédures, coûts, débouchés : les bases concrètes pour structurer votre présence.